La nuit descend, l'ombre s'étend
 
 C'est pas du tout rassurant
 
 - Haaaaa !
 
 Où ça, mon Dieu ? Un cri affreux
 
 Vous fait dresser les cheveux
 
 - Au secours !
 
 Un long frisson vous fout les nerfs
 
 Il y a du crime dans l'air
 
 Il rôde des ombres d'assassins
 
 L'étrangleur n'est sûrement pas loin
 
  
  Mais nous, les agents de la circulation
 
 On entend ça sans émotion
 
 Les champions du petit bâton blanc, c'est nous !
 
 Les assassins, c'est pas pour nous !
 
 On peut étriper, incendier ou voler
 
 Notre consigne, c'est d'pas bouger
 
 On fait un effort parce qu'on est courageux
 
 Pour pas voir ça, on ferme les yeux
 
 Si on s'écoutait, bien sûr, on bondirait
 
 Mais sans nous, voitures et piétons, qu'est-ce qu'ils feraient ?
 
 Tout s'emmêlerait, se télescoperait
 
 Vous seriez bien avancés après
  
 
 Non, non, nous, les champions du petit bâton blanc
 
 Il faut rien voir ou faire semblant
 
 Si vous trouvez qu'il y a trop de crimes dans l'quartier
 
 Adressez-vous au brigadier !
  
 
 Hep, le vélo
 
 Hep, la moto
 
 Alors, on grille les signaux ?
 
 Protestations ?
 
 Contravention !
 
 Prochaine fois, f'rez attention !
  
 
 Il fait un temps frigorifiant
 
 A pas mettre dehors un agent
 
 Dire qu'il y en a qui sont dedans
 
 Et qu'ils boivent des bons grogs bouillants
 
 Glou, glou, glou
 
 Nous, pendant c'temps-là, il faut verbaliser
 
 La goutte au nez, ratatinés
 
 Dans nos chaussures noires, nos tout petits petons
 
 Pauvres mignons, sont des glaçons
 
 Et comme le croiront les gens d'mauvaise humeur
 
 Tous les quarts d'heure, un paon siffleur
 
 Nous traite de péquenots, de vendus, d'abrutis, 
 
 De vieux débris et j'en oublie
 
 Comme on est très sourds, on n'répond rien du tout
 
 C'est que ça s'attrape tellement vite un mauvais coup !
 
 Sur notre calepin, d'une tremblante main
 
 On relève le nom du pékin
 
 Oui, puis on remet en marche son p'tit bâton blanc
 
 En se disant «Plus que quinze ans
 
 Et à la retraite on pourra, comme piéton, 
 
 Traiter les flics de tous les noms !»
  
 
 Et voici un concerto en ut fa dièse majeur pour sifflet à roulette