Je respire où tu palpites
 
 Tu sais; à quoi bon, hélas!
 
 Rester là si tu me quittes
 
 Et vivre si tu t'en vas?
 
  
  À quoi bon vivre, étant l'ombre
 
 De cet ange qui s'enfuit?
 
 À quoi bon, sous le ciel sombre
 
 N'être plus que de la nuit?
  
 
 Je suis la fleur des murailles
 
 Dont avril est le seul bien
 
 Il suffit que tu t'en ailles
 
 Pour qu'il ne reste plus rien
  
 
 Tu m'entoures d'auréoles
 
 Te voir est mon seul souci
 
 Il suffit que tu t'envoles
 
 Pour que je m'envole aussi
  
 
 Si tu pars, mon front se penche
 
 Mon âme au ciel, son berceau
 
 Fuira car dans ta main blanche
 
 Tu tiens ce sauvage oiseau
  
 
 Que veux-tu que je devienne
 
 Si je n'entends plus ton pas?
 
 Est-ce ta vie ou la mienne
 
 Qui s'en va? Je ne sais pas
  
 
 Quand mon courage succombe
 
 J'en reprends dans ton coeur pur
 
 Je suis comme la colombe
 
 Qui vient voir au lac d'azur
  
 
 L'amour fait comprendre à l'âme
 
 L'univers, sombre et béni
 
 Et cette petite flamme
 
 Seule éclaire l'infini
  
 
 Sans toi, toute la nature
 
 N'est plus qu'un cachot fermé
 
 Où je vais à l'aventure
 
 Pâle et n'étant plus aimé
  
 
 Sans toi, tout s'effeuille et tombe
 
 L'ombre emplit mes noirs sourcils
 
 Une fête est une tombe
 
 La patrie est un exil
  
 
 Je t'implore et te réclame
 
 Ne fuis pas loin de mes maux
 
 Ô fauvette de mon âme
 
 Qui chantes dans mes rameaux!
  
 
 De quoi puis-je avoir envie
 
 De quoi puis-je avoir effroi
 
 Que ferai-je de la vie
 
 Si tu n'es plus près de moi?
  
 
 Tu portes dans la lumière
 
 Tu portes dans les buissons
 
 Sur une aile ma prière
 
 Et sur l'autre mes chansons
  
 
 Que dirai-je aux champs que voile
 
 L'inconsolable douleur?
 
 Que ferai-je de l'étoile?
 
 Que ferai-je de la fleur?
  
 
 Que dirai-je au bois morose
 
 Qu'illuminait ta douceur?
 
 Que répondrai-je à la rose
 
 Disant : " Où donc est ma soeur? "
  
 
 J'en mourrai; fuis, si tu l'oses
 
 À quoi bon, jours révolus!
 
 Regarder toutes ces choses
 
 Qu'elle ne regarde plus?
  
 
 Que ferai-je de la lyre
 
 De la vertu, du destin?
 
 Hélas! Et, sans ton sourire
 
 Que ferai-je du matin?
  
 
 Que ferai-je, seul farouche
 
 Sans toi, du jour et des cieux
 
 De mes baisers sans ta bouche
 
 Et de mes pleurs sans tes yeux!